Littératures

Aux débuts des années 1980, la littérature aux Éditions du Seuil explore tous les genres et toutes les esthétiques. Après le sacre des Prix Goncourt en 1977 et 1978, le domaine romanesque est maintenant bien en place avec le «  Cadre rouge  » et son pendant pour les littératures traduites, avec «  Fiction & Cie  » de Denis Roche, plus orienté vers les recherches formelles.
Durant la décennie suivante, Claude Cherki complète lentement ce dispositif en recrutant des éditeurs hors du Seuil.
Un renouvellement qui préserve les équilibres. Avec Olivier Cohen, et ses éditions de l’Olivier, qui explore d’abord les littératures anglo-saxonnes, principalement américaine, puis s’ouvre à d’autres horizons et investit résolument le domaine français. Avec la petite équipe de Verticales – Bernard Wallet, Yves Pagès et Jeanne Guyon – lieu d’expérimentation d’une littérature de recherche, engagée, politique, en phase avec son temps.

C’est à la sortie de l’École normale supérieure qu’Olivier Cohen devient éditeur. D’abord aux éditions du Sagittaire (Grasset-Fasquelle), puis aux éditions Mazarine (Hachette) qu’il dirige, puis chez Payot. En 1990, soutenu financièrement par le Seuil, il fonde les Éditions de l’Olivier. La maison s’impose vite dans le domaine anglo-saxon, particulièrement américain, en accueillant à la fois de très grands auteurs déjà reconnus et la « relève » incarnée par de jeunes écrivains. En même temps, l’Olivier commence à explorer de nouveaux territoires : Chine, Russie, Pologne, Israël, etc. Mais les succès les plus marquants seront dus, avant tout, à des auteurs français ou francophones, comme en témoignent les nombreux prix littéraires obtenus ainsi que les traductions à l’étranger. « Éditeur à Paris », comme il aime à le rappeler, Olivier Cohen a fait de l’Olivier une maison d’édition dont le caractère cosmopolite est un des traits les plus marquants.
Bernard Wallet a été champion d’athlétisme. Il a voyagé, écrit pour la presse puis été libraire. Il devient commercial chez Gallimard puis éditeur chez Denoël. Fin 1996, il fonde Verticales avec le soutien de l’éditeur suisse Michel Slatkine. Deux ans plus tard, Verticales est racheté par le Seuil, qui était son diffuseur. Au sein de cette petite enclave, Bernard Wallet, avec Yves Pagès et Jeanne Guyon, défend une littérature ouverte, contemporaine et politique. Pour le Seuil, il s’agit d’une « diversification et [d’] une sorte de laboratoire littéraire ». Inspiré d’un titre du poète argentin Roberto Juarroz, Verticales est « une façon d’affirmer une éthique. Être ni horizontal, ni à genoux ». Après la vente du Seuil à Hervé de La Martinière, Bernard Wallet, dont la maison a publié 130 titres, ne trouve pas sa place dans la nouvelle structure. Verticales rejoint Gallimard.
Dans les années 1980, puis de manière plus accentuée par la suite, le « Cadre vert » du Seuil s’est ouvert plus résolument aux auteurs des langues des « petits pays », du nord de l’Europe ou des pays asiatiques. Anne Freyer, éditrice publie Amitav Gosh avec beaucoup de grands noms de la littérature mondiale, de Gunther Grass à John Irving. Annie Morvan poursuit et renouvelle le secteur hispanique et au-delà : elle est, notamment, l’éditrice de José Saramago. Si les langues anglo-saxonnes demeurent les plus traduites, la mondialisation a gagné le marché du livre et les modes permettent aux littératures de tous les horizons de se mélanger. Afin d’attirer les lecteurs, plus systématiquement encore que pour le « Cadre rouge », les éditeurs utilisent des jaquettes pour illustrer les couvertures des romans traduits.
Le « Cadre rouge » demeure la collection littéraire emblématique de la maison. Elle est toujours animée collectivement. Après les éditeurs « historiques », Jean Cayrol et François Régis-Bastide, son comité se renforce, entre autres, de Jean-Marc Roberts puis, plus récemment, de Bertrand Visage, de René de Ceccatty et d’une jeune génération aujourd’hui représentée par Émilie Colombani et Frédéric Mora.
Récemment, plusieurs remaniements importants ont fait évoluer sa maquette, de même que le « Cadre vert » de la littérature étrangère. Une dynamisation graphique qui a connu plusieurs étapes. Le secteur romanesque, à la faveur de la révision de la ligne éditoriale du catalogue, gagne aussi des jaquettes illustrées plus variées et plus inventives.
La contribution de Denis Roche au secteur littéraire du Seuil est décisive. La collection « Fiction & Cie », ses romans, ses essais, ses traductions, ont élargi le cadre d’action de la maison. Des prix sanctionnent le talent d’éditeur de Denis Roche qui, après avoir publié plus de 300 livres au sein de sa collection, confie en 2004, lors de son départ à la retraite, à Josyane Savigneau du quotidien Le Monde : « Je me suis bien amusé ».

C’est Bernard Comment qui lui succède. Né en Suisse en 1960, Bernard Comment, qui reconnaît l’influence de Roland Barthes et Jean Starobinski sur son travail, a écrit de nombreux livres (romans, « récit-mosaïque », essais, livres illustrés…), des scénarios. Il est traducteur d’Antonio Tabucchi. Il a aussi travaillé chez Denoël et a dirigé, à partir de 1999, le secteur fiction de « France-Culture ». En 2004, il a publié dans « Fiction & Cie », Un poisson hors de l’eau.