De la collection « Cadre rouge » aux avant-gardes

Dirigée collégialement, la collection le «  Cadre rouge  » demeure longtemps le seul lieu de publication des romans au Seuil. La dynamique de cette série repose sur la nécessaire cohabitation d’œuvres de facture différente, du «  roman roman  », comme le disait parfois Francois-Régis Bastide, à des œuvres relevant de recherches formelles. À la fin des années 1950, la collection «  Écrire  » de Jean Cayrol permet de recruter de jeunes auteurs.
Le groupe réuni autour de « Tel Quel » introduit un autre lieu de publication, plus avant-gardiste. Après 1974, avec «  Fiction & Cie  » animée par Denis Roche, les frontières du domaine littéraire évoluent encore. Au Seuil, pour tous les lecteurs, toutes les littératures coexistent.

Gérard Genette, Figures (1965). Cette figure majeure du structuralisme littéraire en France, conseillera à Philippe Sollers de remplacer le
« Cadre rouge » de la série romanesque du Seuil par un cadre brun afin de distinguer la collection « Tel Quel »
N°1 de Tel Quel paru en mars 1960.
Double page du 27, rue Jacob (mars 1979) présentant plusieurs productions du groupe Tel Quel, avec des photographies de Julia Kristeva, Roland Barthes, Philippe Sollers.

« Une fine équipe : Sollers, Kristeva, Pleynet, Barthes, Wahl, voilà ce que les chinois introduisent chez eux, cependant qu’ils bataillent contre Confucius ! Ils s’inquiètent d’un danger millénaire et ne mesurent pas le péril présent, le vers dans le fruit, le boudoir dans la philosophie, le bruit du signifié et du signifiant, la linguistique phallus au poing, admis tels quels… Ah ! les malheureux ! Encore Lacan est resté à Paris, sinon… ».
Extrait d’une lettre de Paul Flamand à Alba de Cespédès, 28 avril 1974. L’éditeur commente le voyage d’une délégation Tel Quel en Chine.
Ecrire 11 (1962). Raphaël Sorin, Denis Roche et Claude Alexakis sont les jeunes auteurs publiés dans cette livraison. En 1956, afin d’accueillir une « littérature verte », Jean Cayrol imagine cette collection-revue. Parmi la quarantaine d’auteurs publiés, « Écrire » révèle Geneviève Dormann, Philippe Sollers, Claude Durand, Denis Roche, Christopher Frank ou Jean-Pierre Abraham… Jean Cayrol est aussi le découvreur de Jean-Marc Roberts, Didier Decoin, Erik Orsenna ou Bertrand Visage, parmi beaucoup d’autres…
Dans la série « Ecrire », le premier livre de Claude Durand, Le Plat du jour paru en 1959. Quelques années plus tard, Claude Durand succède à Jean Cayrol à la tête de cette collection.

En 1973, Jean-Marc Roberts a moins de 20 ans quand son premier roman, Les Premiers Verlaine, paraît sous la responsabilité de Jean Cayrol. Une riche aventure d’auteurs puis d’éditeurs débute.
La Fanfaronne de Geneviève Dormann (1959).
Armen de Jean Pierre Abraham (1966). Un écrivain découvert par Jean Cayrol dont le premier roman obtiendra une réception critique remarquable.

Mendiant de Jérusalem d’Elie Wiesel (1968).

Almagestes d’Alain Badiou (1964).

Amour PQ de Jacques Godbout (1972). À Jean Cayrol qui estime que le titre qu’il propose pour ce livre ne conviendra pas aux lecteurs, Jacques Godbout répond : « c’est une appellation contrôlée, et cinq millions de Québécois ne peuvent se tromper. Donc : D’Amour PQ. »
George Jackson Avenue est le premier titre de la série « Fiction & Cie » paru en 1974. D’abord proche de Tel Quel, Denis Roche aura du mal à imposer sa collection au Seuil. Son idée, qui transforme les frontières éditoriales de la maison, est de publier des romans et des poèmes, des traductions et des essais sous une même couverture. Si les premiers temps furent incertains, « Fiction & Cie » devient, au fil des découvertes et des succès, l’autre grande collection littéraire du Seuil.

Denis Roche, Louve basse (1976). Quatre ans après avoir clos son œuvre poétique avec La Poésie est inadmissible Denis Roche publie ce roman.

De Kurt Vonnegut, le Seuil a déjà publié Abattoir 5 (1971), un manifeste de la contre-culture aux Etats-Unis, et Le Berceau du Chat (1972), parfois défini comme de la « science-fiction pop », Denis Roche publie Le breakfast du champion dans sa collection (1974).

En juin 1974, le 27, rue Jacob consacre une page à cet entretien avec Denis Roche.