Le religieux à l’épreuve du monde

L’histoire des Éditions du Seuil, c’est aussi l’histoire d’une lente transformation du rapport à la religion et à la foi, dans le contexte d’une Église catholique qui tente de renouveler son rôle social.
Le catalogue de cette maison d’édition laïque accompagne les grands événements religieux du siècle jusqu’au tournant de l’aggiornamento – la mise à jour de l’Eglise – qu’organise le concile entre 1963 et 1965. La confrontation de la foi avec les avancées des sciences, humaines notamment, avec la libéralisation des mœurs et l’individualisation des pratiques, puis les réflexions sur le dialogue des religions traversent le domaine religieux du Seuil. Paul-André Lesort, écrivain, éditeur «  historique  » de la maison et proche de Paul Ricœur, est le premier artisan d’un secteur décisif jusqu’aux années 1970.

Claude Tresmontant, Comment se pose aujourd’hui le problème de l’existence de Dieu (1966, repris en « Livre de vie », 2002). Né en 1925, Claude Tresmontant se spécialise dans la philosophie du Moyen Age et des sciences. Cet ouvrage pose la question de la connaissance de Dieu par la médiation des sciences naturelles.
Grâce à Michel Chodkiewicz, Le Hasard et la Nécessité de Jacques Monod paraît au Seuil en 1975. C’est un immense succès, porté par la forte personnalité du scientifique, son aura depuis le Prix Nobel de 1965 (avec François Jacob et André Lwoff) et l’élégance de sa plume. Dans la lignée de ses engagements politiques, Jacques Monod, spécialiste de biologie moléculaire et de génétique, propose une réflexion sur l’homme et son origine. L’homme demeure au cœur de son système, et Monod récuse tout rôle divin dans l’apparition de l’espèce humaine.
Roger Boutefeu, Je reste un barbare (1962). Né en 1914, orphelin à l’adolescence, Roger Boutefeu connaît différents métiers puis le militantisme à la C.G.T. et à l’Union anarchiste. Je reste un barbare narre son retour à Dieu. Au Seuil, il a d’autres ouvrages autobiographiques à son actif dont Veillée de fête (1950) et Journal d’un barbare (1972).
Accrocher le nom de Pierre Teilhard de Chardin, dont il admire la pensée, au catalogue du Seuil est une idée venue à Paul Flamand dès les années 1930. La censure ecclésiale qui empêche Teilhard de publier autre chose que ses travaux de paléontologue ne cessera pas jusqu’à la mort du savant, en 1955. Dès lors, avec son héritière, Jeanne Mortier, le Seuil peut, malgré la défiance de l’Eglise et de l’Ordre jésuite, entamer la révélation publique d’un ensemble de textes à portée religieuse et philosophique. Le Phénomène humain (1955) et son humanisme renouvelé suscitent un énorme débat.
Marc Oraison, Le Mystère humain de la sexualité (1966). Né en 1914, Marc Oraison a été médecin avant de devenir prêtre en 1948. Il découvre Freud et en 1952, sa thèse, Vie chrétienne et problème de la sexualité, est condamnée par les censeurs romains. En confrontant, avec un sens aigu des mouvements qui agite alors l’Eglise, des théories contemporaines, dont la psychanalyse, à la théologie, Marc Oraison veut contribuer à Une morale pour notre temps (nouvelle édition Seuil, 1970).
René Laurentin, L’Enjeu du concile, 1963 et Hans Kung, Le Concile, épreuve de l’Eglise (1963) l’édition augmentée est publiée l’année suivante).