Comprendre

Les débats d’idées sont l’identité même du Seuil, son image de marque et sa raison d’être. La place du livre dans la vie intellectuelle, la place des intellectuels eux-mêmes, changent après les années 1970. Les luttes de courants dans le domaine des sciences humaines et sociales demeurent mais semblent moins vives. Le Seuil reste, avec François Wahl en première ligne, un acteur décisif des recherches les plus exigeantes dans ce domaine.
Progressivement, la production se resserre autour des collections majeures que sont «  L’Ordre philosophique  » ou «  Le Champ freudien  », mais demeure conséquente. Elle s’ouvre à diverses influences marquées par l’interdisciplinarité avec «  La Couleur des idées  ». D’autres savoirs gagnent en visibilité. L’économie devient un domaine d’étude à part entière. L’exploration du psychisme diversifie ses approches.

Au-delà de la psychanalyse, le domaine des ouvrages concernant la souffrance psychique connaît un essor certain, dont témoigne, au Seuil, le travail d’éditeur de Mony Elkaïm avec la collection « Couleur psy ». Des questionnements sur le psychisme concernent des savoirs à la croisée de plusieurs disciplines, parfois des savoirs émergents, qui connaissent des applications pratiques immédiates.
Aux cotés de plusieurs grands noms déjà évoqués comme Roland Barthes, Jacques Lacan ou Paul Ricœur, d’autres penseurs illustrent la diversité du domaine. Ils marquent, à des périodes différentes et à divers titres, l’originalité de la production du Seuil. Edgar Morin, avec son œuvre encyclopédique, est édité par Jean-Claude Guillebaud dans la période récente. Depuis L’Homme et la mort paru au Seuil en 1951, il a multiplié les engagements et développé ses recherches dans des perspectives plurielles, par exemple sur les relations entre les réalités des sciences humaines et des sciences de la vie.C’est Olivier Bétourné qui a permis l’arrivée de Pierre Bourdieu au Seuil. Avec lui, Bourdieu publiera notamment La Misère du monde (1993), un événement intellectuel et éditorial. Pierre Rosanvallon est un auteur du Seuil depuis les années 1970, à la faveur de sa proximité avec Jacques Julliard. Depuis 2000, le Seuil publie les ouvrages de « La République des idées » et sa collection « Les Livres du nouveau monde ».
Le Seuil a toujours occupé le terrain des liens entre l’économie, le social et le politique. Un domaine du savoir qui s’appuie sur l’évolution des cursus universitaires dans ce domaine, puis sur la montée en puissance du paradigme économique et du rôle des experts. Alliant engagement, spécialisation, croisement des savoirs et une visée pédagogique affirmée, Jacques Généreux est aujourd’hui le maître d’œuvre de ce secteur. Les questions liées à l’Europe, au développement d’une « religion de marché », à la mondialisation animent actuellement ce domaine.
Après le départ de Jacques Julliard au milieu des années 1980 - pour se consacrer au journalisme - c’est Michel Winock qui poursuit au Seuil le développement du secteur « histoire ». Il crée la collection « XXe siècle ».

« L’univers historique » est plus souvent nourri d’ouvrages de synthèse et se développe au rythme moyen de trois ou quatre publications par an. En 2005, Laurence Devillairs remplace Michel Winock, parti en retraite, comme responsable du secteur.
François Wahl, jusqu’à son départ du Seuil en 1993, anime les grandes collections qu’il a contribuées à fonder au Seuil, principalement « L’Ordre philosophique » et « Le Champ freudien ». Toujours présent dans le catalogue du Seuil, cet héritage a été renouvelé avec les collaborations de Judith et Jacques-Alain Miller, Alain Badiou, Barbara Cassin… Depuis septembre 2003, l’ensemble du secteur (qui rassemble une dizaine d’éditeurs) ainsi que les domaines de l’histoire, de la science et des « Points Essais – Histoire – Sagesses – Science – Économie » sont placés sous la responsabilité de Monique Labrune. Par ailleurs, outre l’édition de l’œuvre lacanienne, pour Jacques-Allain Miller, l’édition d’ouvrages collectifs est un moyen d’action dans les débats sur la nature des affections du psychisme. Ainsi, les polémiques qui opposèrent, notamment, les psychanalystes et les partisans d’une psychiatrie relationnelle, aux partisans, de plus en plus nombreux, d’une approche comportementaliste et biologisante.
Après la collection « Empreintes » (1982), « La couleur des idées », créée en 1989 par Jean-Pierre Dupuy, Jean-Luc Giribone et Jean-Claude Guillebaud, bientôt rejoint par Olivier Mongin, directeur de la revue Esprit, a ouvert des espaces d’interdisciplinarité. Elle refuse le « dogmatisme sectaire » d’hier et l’« éclectisme mou » d’aujourd’hui pour proposer des « modes de pensée et d’analyse nouvelle » dans une perspective « plurielle ».

La « Couleur des idées » est progressivement devenue une collection centrale des sciences humaines et sociales du Seuil.